...En guise de seconde-et-toujours-pas-du-tout-dernière partie du développement, dans laquelle on trouve, dans l'ordre décroissant, trois vengeances, deux erreurs et un sentiment confus d'avoir déjà "compris" pas mal de choses en une après-midi ; partie qui arrive à la bourre mais y'a du mieux...
Bon.
Alors bon.
Vous allez pouvoir constater que, chose rarissime, deux parties d'un de mes textes vont se suivre sans que vous ne soyez amenés à vous demander "Mais il est où le rapport, là ? Il commence son billet en parlant de ragondins musqués des marais poitevins et il embraye sur la consommation de quiche (ou "Ouiche" pour les connaisseurs) lorraine dans le Nord-Pas-de-Calais entre mai 78 et juillet 82... Il est complètement taré, ce mec !".
Eh ben là, non.
Il y a un mois et demi, je vous avais laissé sur la description de l'occidental pété de thunes (comparé à la majorité des péruviens) qui est venu passer 18 jours de ses vacances en Amérique Latine mais qui se rassure en se disant que bon. Vu comme c'était balèze, par exemple, de faire en 4 jours et demie ce que d'autres moins complexés font en 4h30 en train (Cuzco / Machu-Picchu), les porteurs ne risquent pas de nous avoir pris pour des conquistadors du futur ayant troqué leurs armes contre des appareils photos et la variole contre la tourista (heureusement on a été tranquille de ce côté là !).
Aujourd'hui, donc, pour rester sur le côté conquistador, je vous propose de passer à "Bénir ce syncrétisme qui a permis aux Quechuas de préserver une partie de leur culture pré-hispanique".
02 août 2005.
C'était notre premier vrai jour au Pérou (la veille on l'avait surtout passée dans l'avion).
L'après-midi était consacrée à la visite de Cuzco. Le lendemain, nous visiterions les alentours de l'ancienne capitale Inca avant de partir, à pied, pour notre premier treck vers Huchuy Qosqo puis Pisac.
Je crois qu'on a commencé par l'Eglise de la Companía, bâtie, selon la bonne vieille technique espagnole dite du : "je-rase-tous-les-temples-que-les-mecs-qu'on-est-en-train-de-massacrer-avaient-bâtis-pour-honorer-d'autres-dieux-que-le-nôtre-et-
je-construit-une-belle-église-ou-carrément-une-cathédrale-par-au-dessus-c'est-quand-même-plus-classe-et-plus-religieusement-correct" ; technique malheureusement trèèèès en vogue à l'époque et dans la région.
C'est déjà triste en soi, mais c'est d'autant plus dramatique que l'Eglise de la Companía et son couvent sont construits à l'emplacement même du centre religieux de l'empire Inca. Le site qui regroupait les temples de la Lune, du Soleil, ainsi que la maison de l'Inca...
Le centre de leur monde.
J'en profite pour régler la question des 2 erreurs annoncées plus haut.
Tout d'abord et contrairement à ce que tout le monde aurait tendance à penser et/ou à enseigner en cours d'Histoire, les Incas n'ont jamais considéré Cuzco comme le nombril DU monde, mais comme celui de LEUR monde. Ca change pas mal de choses.
Et puis, ensuite, on ne dit pas les Incas, comme certains le font depuis le début de leur chronique, mais les Quechuas (le peuple et, par extension la civilisation) et l'Inca (leur boss).
Bon.
Ca, c'est fait, retournons donc, si vous le voulez bien, à l'Eglise de la Companía et à son couvent.
Plus nous avancions dans la visite du site, plus nous éprouvions un mélange de rage, de tristesse et d'impuissance face à l'apparente et cruelle bêtise des espagnols.
Là, je dis "apparente" parce que bon. Effectivement, dans un sens, leur comportement peut s'expliquer. Sans se justifier, hein. On leur a toujours bourré le crâne avec leur Dieu unique et ils se pointent chez des mecs qui ne partagent pas exactement les mêmes croyances...
Alors qu'est-ce qu'ils font ? Ben ils tapent.
Et puis ils violent.
Et puis ils volent.
Parce que si l'Indien ne croit pas en Dieu, il a plein, mais alors plein d'or (pour honorer le Soleil), d'argent (pour la Lune) et de pierres précieuses (pour les deux et le reste). Et ça, ça fait plaisir.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on traverse l'océan, qu'on se fait chier à parler la langue et qu'on fait une rapide prière après les avoir massacré, parce que, hein, on n'est pas des bêtes, quand même.
Et donc bon.
Cupidité et religion furent et resteront (à mon avis) les deux mamelles du bon envahisseur / conquérant qui se respecte.
Et quand les espagnols et les religieux s’installèrent à Cuzco, ils ont pillé puis rasé les sites sacrés Quechuas pour y bâtir les leurs bien à eux.
Et c’est vraiment triste.
Ne serait-ce qu’au plan architectural.
Car l’architecture Quechua (du moins ce qu’il en reste) était impressionnante. J’ai horreur des expressions toutes faites, mais je vais en utiliser une, là, parce que je ne trouve pas d’image plus parlante pour expliquer ça : Les murs étaient tellement bien construits qu’il est impossible de passer la lame d’un couteau entre deux des pierres qui le composent.
Or :
- Elles sont assemblées sans mortier.
- Les Quechuas ne connaissaient pas le métal.
- Les murs étaient résistants aux séismes grâce à une inclinaison de 10°.
- Certains blocs de pierre pesaient 15 tonnes, ce qui n’est pas si mal.
Rien que ça.
A tel point que lorsque les espagnols ont découvert les constructions Quechuas, ils se sont demandés, comment des animaux (c’était leur façon d’appeler les Indiens… Un genre de surnom qui fait plaisir) avaient pu faire ça.
Aujourd’hui, on cherche encore.
Ca ne les a pas empêché de tout détruire.
Comble de l’ironie, les actuels occupants des lieux ont récemment eu une idée d’un cynisme fini :
Installer, un peu partout dans les « ruines » des temples (dans leur couvent actuel, donc) des objets religieux à la gloire de Jésus.
Histoire de se faire un peu de pub auprès des visiteurs qui étaient venus pour l’aspect précolombien du site.
On commençait à bouillonner intérieurement quand on a eu terminé la visite du site.
Et puis on est entré dans la cathédrale de Cuzco.
Fondamentalement et à première vue rien ne la différencie d’une autre. La déco change un peu de celle de Reims, mais le principe reste le même.
Sauf qu’après être passé devant un autel de 7 mètres de haut en argent massif, puis devant des crucifix, des candélabres et des statues en or (massif aussi tant qu’à faire), j’en suis arrivé à la conclusion que tous ces objets de culte avaient été fabriqués à partir des idoles quechuas qui furent volées et fondues.
Au cas où, j’ai demandé confirmation auprès de notre guide. C’était vrai.
Mon désespoir et mon énervement allaient croissant (ce qui me fait dire que le désespoir et l’énervement sont très caloriques), lorsqu’il nous a fait remarquer un paquet d’autres faits navrants comme il faut.
Par exemple.
En Espagne, à l’époque, St Jacques était représenté en Matamore. Il tuait (de l’espagnol « matar ») les Maures, qui avaient la désagréable habitude d’être d’obédience pas comme lui (Philippe, big-up, tout ça).
Pour la Cathédrale de Cuzco, les peintres espagnols ont adapté le concept aux couleurs locales et ce sont donc des Indiens qu’il transperce de sa lance. Rajoutez à ça que la cathédrale de Cuzco est elle aussi bâtie sur les ruines d’un temple (le plus grand de l’empire Inca) et vous comprendrez mon état d’esprit du moment.
J’avais envie de latter le premier espagnol venu avec 500 ans de retard pour lui apprendre un peu.
Bon.
En fait, c’est pas vraiment vrai.
J’avais pas envie de taper sur eux, mais j’avais les boules.
Quand soudain.
Bon.
A priori, quand une personne normalement constituée commence une phrase par « quand soudain », elle se sent ensuite investie d’une mission sacrée et la termine avec des mots à base de sujet, de verbe et de compléments. En tout cas c’est comme ça qu’il sied d’agir si l’on en croit Nadine de Rotshild et son « Guide des bonne manières ».
Mais je ne l’ai pas lu. Et comme je suis un cramé de la tête et que les phrases mort-nées ne me font pas peur, je mets un point après « soudain », histoire de ménager un peu le suspense.
Donc : Quand soudain.
Les yeux de Jimy (notre guide, avec un « m ») ont commencé à briller. Ou plutôt, ils se sont allumés et malgré notre présence dans une cathédrale, la lumière divine n’avait rien à y voir.
C’était de la fierté qu’on pouvait lire dans son regard.
Il nous a alors montré comment certains Quechuas avaient, à leur manière, « résisté » à l’envahisseur. En fait, j’ai peur d’avoir un peu surjoué l’histoire des 3 vengeances dans mon introduction. Vous allez voir, c’est plus de l’ordre du détail.
Mais j’adore les détails.
Donc.
D’abord, contrairement à ce que laissent penser les différents crucifix présents dans la cathédrale, Jésus n’est pas devenu hémophile (bien qu’il soit le fils du Seigneur – celle-là était tellement horrible que je n’ai pas résisté) en traversant l’Atlantique.
S’il est représenté partout couvert de larges plaies et maculé de sang, c’est parce que c’était une manière pour les Indiens de se venger sur lui des atrocités commises en son nom par les espagnols.
Ensuite, si Judas est parfois représenté aussi rouge écarlate qu’un truc rouge écarlate, c’est pas parce qu’il était en rade d’Ecran Total et que les autres apôtres ont refusé de lui en filer. Là encore, c’était une façon détournée pour les Quechuas de se « venger » des conquistadors.
Parce que quand ils ont commencé à escalader les Andes, les espagnols ont choppé des coups de soleil velus. Ce qui n’était évidemment pas le cas des Indiens.
Du coup, les Indiens ont représenté Judas complètement brûlé par le soleil, histoire de se foutre de la gueule des espagnols (qui arrivaient étonnement blancs et viraient au cramoisi comme par magie après quelques jours) en les associant à l’image du gros méchant dans la Bible.
Enfin, l’apparition de feuilles de coca derrière l’une des pierres de la cathédrale n’a jamais rien eu de miraculeux, n’en déplaise aux actuels propriétaires des lieux.
Les descendants des Quechuas ont simplement pris pour habitude, depuis la destruction du temple « initial » de déposer des feuilles de coca (très fréquemment utilisées en offrande aux dieux et plus particulièrement à la Pachamama) derrière la seule pierre qui subsiste de l’ancien temple à l’intérieur de la cathédrale.
Bon.
Vous voyez, c’est trois fois rien, hein.
Mais ça m’a fait plaisir de constater qu’à leur manière, les Quechuas avaient réussi à lutter et à préserver une certaine forme et une certaine partie de leur culture ; que la conquête espagnole n’avait finalement pas été totale.
Ps plein-de-bonne-volonté-mais-y'a-des-limites-quand-même :
Pour ne pas changer, je trouve ce texte très moyen.
Promis, la prochaine fois, j'essaierai ferai mieux.
Par contre ne comptez pas sur moi pour retourner voir Les Bronzés 3 et faire un nouveau billet dessus (mon dernier texte ayant été, contre toute attente, plutôt apprécié).
Je préfère retourner au Pérou !