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Barbudo Conexión (c)
31 mai 2007

Rencontres...

Matin du deuxième jour de trek, on n’est pas partis depuis une trentaine de minutes et j’ai déjà envie de crever (c’était pas loin d’être le cas). On fait une pause, pour boire un coup. Délaissant ces considérations bassement terre-à-terre, j’essaye de répondre à deux questions qui me taraudent alors :
-    Comment on fait, déjà, pour respirer, en temps normal ?
-    Comment j’ai pu avoir cette idée de con, de payer pour faire du sport et cracher mes poumons au milieu des lamas pendant mes vacances ?

C’est le moment que choisit le destin, ce gros encu… cet éternel farceur, pour m’enfoncer encore un peu plus, avec l’arrivée d’un troupeau de mouton, qui fait irruption à l’horizon, interrompant net mes digressions.
Les dits (de Nantes, ou Chatterley, comme vous préférez) animaux partaient gaiement à l’assaut des cimes (et par là, je ne veux pas parler d’un humoriste qui a l’air d’être vieux depuis qu’il est né) afin de se sustenter de quelque altier bouquet herbacé (que c’est laid, mon Dieu, que c’est laid).

Bref, nous errons, errons. A petits pas, tapons de nos grosses chaussures de marche sur la poussière rouge d’un anonyme sentier andin, quand arrive ce troupeau, gardé par une bergère, et ron et ron, petit patapon (merci de laisser vos insultes en commentaire).
Elle marchait plus vite que nous (moi).  J’ai bien vu qu’elle le faisait exprès, rien que pour me foutre la honte devant mon frère et les autres membres du groupe. Une Indienne ! que dis-je : une indienne-sans-majuscule-faut-pas-abuser-quand-même… Non : une indigène ! Encore un peu et elle me regardait dans les yeux, cette autochtone ! Moi, un touriste…Blanc, de surcroît. Pas breton, mais le cœur y est. Le tiers monde n’est plus ce qu’il était, moi je vous le dit.

Christophe la rejoint et entame la conversation. Il revient choqué. Pour aider sa famille, cette petite fille gardait les moutons quand elle n’avait pas école. Elle avait 15 ans. Et là, on a bloqué à notre tour, parce qu’on lui en aurait plutôt donné la moitié. Il a murmuré : « ma fille a son âge, elle est deux fois plus grande ». Et notre guide, Jimy, a confirmé que la petite taille des Indiens était en partie due à la malnutrition.
Ces moutons, qui passaient devant nous seraient un jour tués et découpés. Les plus beaux morceaux seraient vendus sur le marché et la famille de cette petite bergère se contenterait des restes avec un peu de chance. La viande est un produit de luxe, dans cette région du monde aussi. Tout comme le lait.
Elle est retournée à ses moutons et nous à nos appareils photos.

Mais cette petite fille m’en a rappelé une autre. Plus jeune encore, près de l’aéroport international de Lima. Debout sur un gros rond-point pelé, elle faisait la manche auprès de rares automobilistes. Il devait être minuit passé. Elle m’avait bien calmé, elle aussi. Le taxi bus avait même pas 100 mètres (et donc évité 12 accidents potentiels), on n’avait pas atterri depuis une heure, lorsque j’ai croisé son regard au loin.

A se demander ce que fait la police. Tous ces pauvres en liberté, y’a rien de tel pour filer des remords et faire fuir le brave vacancier. On devrait les parquer dans des bidonvilles, les autochtones. Y’en a de très biens, en périphérie de Lima, par exemple. On les aperçoit en se rendant au célèbre Musée de l’Or. Même s’ils ne sont pas aussi bien indiqués ni mentionnés dans les guides que le musée.

Bref, y’a plus funky, comme première impression. C’est sûr qu’il y a des trucs plus tristes à voir dans le monde, mais putain, son regard, après deux ans, je ne l’ai pas oublié.

C’est comme ce chauffeur de taxi à Lima. On avait scindé notre groupe en deux pour traverser la ville. La première équipe était partie en Lada, et nous en Mercedes (escusez-moi du peu).
Parce qu’en fait, y’a trois options, quand on prend un taxi au Pérou : Lada, Mercedes ou Ford Mustang, toutes plus vieilles les unes que les autres (30 ans d’âge en moyenne). Un peu comme les coccinelles à Mexico.

On avait négocié le prix avant de monter dans la voiture, comme ça se fait, dans ce pays : tu annonces ta destination, le gars te dit combien il veut, tu négocies un peu et si le prix te convient tu montes.
Après, on s’est mis à croire en Dieu pour pouvoir prier.

C’est sportif, le taxi, au Pérou. Et c’est une façon beaucoup plus sympa que d’aller à l’hôpital pour savoir si on souffre de problèmes cardiaques. Pour un chauffeur, le code de la route, c’est un peu l’équivalent des didascalies pour un comédien. C’est juste une indication, mais ça ne l’empêche pas de jouer la tirade des nez avec l’accent Belge et à cloche pied s’il trouve ça plus impactant.

Malgré quelques stops pas forcément marqués, une paire de lignes blanches allègrement coupées, une panne sèche, nous sommes finalement arrivés au Musée National d’Anthropologie et d’Archéologie de Lima. A la fin de la visite, notre chauffeur nous attendait pour nous ramener. En attendant une partie du groupe qui traînait un peu, nous avons commencé à discuter avec lui.

Et là encore, on a pris une claque. Il n’avait pas toujours été chauffeur de taxi. Il était même chef d’entreprise, avant. Avant un grave accident qui lui avait broyé une jambe.
Différents spécialistes péruviens recommandaient l’amputation. Il a refusé. Il a vendu son entreprise, est parti aux Etats-Unis, a subit 6 opérations mais a gardé sa jambe.
Quand il est revenu, il n’avait plus rien. Il est donc devenu chauffeur de taxi. Et il l’est toujours.

Je me souviens qu’après nous avoir expliqué ça, il avait remonté la jambe de son pantalon pour nous montrer les cicatrices. Dur à voir. Elles étaient nombreuses et profondes. La douleur était toujours présente.
Mais comment oublier la fierté de son regard ? Contre l’avis de tous les spécialistes, il avait réussi à éviter l’amputation. Et c’est tout ce qui comptait. Plus que son entreprise, ses employés, la souffrance et les cicatrices.

C’est marrant, hein, comme une rencontre ou un regard peuvent nous changer…



En-guise-de-post-scriptum-récurent,-à-base-cette-fois-ci-de-Benoît-XVI-on-t’emmerde-et-que-oui-bon-c’est-sûr-qu’à-première-vue-
y’a-pas-de-rapport-mais-en-fait-il-se-pourrait-bien-que-si :

Pendant ce temps (le 14/05/07), au Brésil, sa Sainteté Benoît XVI, en visite officielle, déclarait, tranquille pépère : 

"L'annonce de Jésus et de son Evangile n'a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n'a pas imposé une culture étrangère […] le Christ était le sauveur auquel ils [les Amérindiens] aspiraient silencieusement […] l'utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l'Eglise universelle, ne serait pas un progrès mais une régression".

Ce à quoi, avec tout le respect que je lui dois, je répondrai :
1/  Vieille merde ;
2/ Si tu veux, je te file mon exemplaire de la « Très brève relation de la destruction des Indes » de Bartholomée de las Casas, pour enrichir la collec’ de la bibliothèque du Vatican, juste pour qu’on reparle de « l’aspiration silencieuse des Amérindiens », de la non-aliénation et du reste ;
3/ Sale con.

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Commentaires
B
Il y a en effet une société extrêmement secrète de Barbudos en France, mais... chut ! En tout cas, aucun soucis... Et merci quand-même !
D
ça alors c'est extraordinaire, il y aurai donc plusieurs Barbudos au vocabulaire fleuri dans ce pays...bon c'est plutot positif dans l'ensemble, alors barbudos du monde entier unissez vous et continuez donc d'écrire !!<br /> en tout cas désolé pour l'erreur d'identite ;)
B
Désolé de te décevoir, mais j'ai bien peur de ne pas être celui que tu penses ! Enfin "gros camarade" ça va, "toujours en verve" éventuellement, par contre "bérrichon", là, c'est le drame, pas du tout ! Désolé...
D
tiens c'est marrant j'ai l'impression d'avoir retrouvé un gros camarade bérrichon toujours en verve...me trompe-je ?<br /> en tout cas un reel plaisir de te lire, maintenant si tu pouvais arreter de faire ta grosse feignasse et te remettre au boulot parceque pas de post depuis le mois de mai je trouve ça un peu long et en plus ça me prive de la certitude de t'avoir retrouvé...(et si je me gourre de personne j'enviendrai a supputter que tout les barbudos du monde entier se sont unis...et j'aurais un peu peur :p )
J
Yeah! Ca fait du bien de retrouver ton style inimitable (j'ai l'impression qu'il y a une consonne à doubler dans ce dernier mot; sauras-tu la trouver?)...<br /> Paye les jeux de mots! Et fuck Benoit the sixteenth.
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